Chaque printemps, un spectacle aussi discret que décisif se joue dans nos vergers : la floraison. D’avril à mai, selon les variétés, nos arbres se couvrent de fleurs blanches ou rosées. Ce moment fugace – entre deux et dix jours à peine – est bien plus qu’un plaisir visuel : il marque le départ de la future récolte.
Tout commence avec les boutons verts, qui se transforment en boutons roses (floraux) avant d’éclore. Chaque arbre suit son propre rythme, que nous surveillons de près, en repérant les stades dits « phénologiques », grâce à des systèmes comme BBCH ou Baglioni. Mais la beauté des fleurs ne garantit pas encore des fruits : tout dépend de la pollinisation.
La pollinisation : une étape aussi fragile qu’essentielle
Pour qu’un fruit puisse se développer, il faut d’abord que la fleur soit fécondée. Cela signifie que le pollen – transporté depuis les étamines (partie mâle) – doit atteindre le pistil (partie femelle) d’une fleur compatible. C’est là qu’interviennent les insectes pollinisateurs, principalement les abeilles, que nous accueillons avec des ruches, et les bourdons, plus actifs par temps frais.
La pollinisation croisée est indispensable, notamment pour les pommiers, qui ne peuvent pas se féconder seuls. Cela signifie que plusieurs variétés, compatibles entre elles et fleurissant au même moment, doivent cohabiter dans nos vergers. Ce travail d’association, nous le pensons en amont, pour assurer une floraison harmonieuse et fertile.
Mais même avec tous ces soins, tout ne dépend pas de nous. La météo peut compromettre une bonne pollinisation : le froid, la pluie, ou un simple manque d’activité des pollinisateurs peuvent empêcher les fleurs d’être fécondées correctement.
Et après ? La nouaison, cette étape décisive mais méconnue
Une fois la fleur pollinisée, elle ne devient pas tout de suite un fruit. Elle entre dans une étape appelée la nouaison. C’est à ce moment-là que la fleur commence (ou non) sa transformation en fruit. Autrement dit, la nouaison est la phase où l’arbre « décide » de conserver la fleur fécondée pour en faire un fruit.
Mais attention : ce passage est délicat. Il dépend de nombreux facteurs comme la météo, l’état de l’arbre, la qualité de la pollinisation, ou encore la concurrence entre les fleurs. Si l’arbre estime qu’il n’aura pas assez d’énergie ou que les conditions ne sont pas favorables, il peut tout simplement faire tomber certaines fleurs déjà fécondées. C’est ce qu’on appelle une chute physiologique : un mécanisme naturel de sélection.
Pour nous, producteurs, la réussite de la nouaison est aussi importante que la pollinisation. Car sans une bonne nouaison, pas de fruit, même si les fleurs étaient magnifiques et bien pollinisées.
Un métier guidé par la nature et l’attention quotidienne
Ce moment de floraison est pour nous, producteurs, un tournant de la saison. On observe, on écoute, on évalue, car en quelques jours à peine se joue une grande partie de l’année. Tous les bourgeons floraux ne deviendront pas des fruits, et c’est pourquoi la vigilance, le choix des variétés et l’accompagnement des pollinisateurs sont au cœur de notre métier.
Et plus tard, lorsque vous dégusterez un de nos produits issu de fruits de nos vergers, vous goûterez aussi à ce printemps-là, aux fleurs que nous avons protégées, aux insectes que nous avons invités, à cette nature que nous accompagnons chaque jour avec passion et patience.